Topologie différentielle

7 Cohomologie de de Rham

Le chapitre précédent a introduit les formes différentielles comme étant des objets à intégrer sur des sous-variétés et la dérivée extérieure comme étant l'opération permettant de généraliser le théorème fondamental du calcul intégro-différentiel, la formule de Green-Ostrogradski et la formule de Kelvin-Stokes. Dans ce chapitre on glisse vers des applications beaucoup plus nouvelles de ces objets.

Tout commence par une remarque anodine : le noyau de voit quelque chose de la forme globale de . En effet, puisque les composantes connexes et connexes par arcs de coïncident, ce noyau est constitué des fonctions localement constantes (un résultat que l'on voit maintenant comme un corollaire de la formule de Stokes!). Donc est un espace vectoriel réel dont la dimension est égale au nombre de composantes connexes de .

Plus sérieusement, l'exercice concernant et

montre qu'une 1-forme vérifiant mais qui n'est pas la différentielle d'une fonction peut détecter la présence d'un « trou ». En effet, on a vu que devient la différentielle d'une fonction « angle en coordonnée polaire » (ou argument si on identifie à ) dès lors qu'on se restreint au complémentaire d'une demi-droite issue de l'origine. C'est cet exemple qui sous-tend le paradoxe de la cascade d'Escher dans l'introduction de ce cours : localement il n'y a pas d'obstruction à trouver une fonction d'altitude dont la différentielle fait couler l'eau comme sur le dessin, mais une contradiction apparaît lorsque que l'on fait tout le tour.

Plus généralement on appelle forme différentielle fermée tout élément du noyau de et forme différentielle exacte tout élément de son image. Comme , toute forme exacte est fermée. On montrera que la réciproque est toujours localement vraie et on définira le -ième espace de cohomologie de de Rham de comme l'obstruction à une réciproque globale :

é

C'est le début 1 de la topologie algébrique : l'étude des foncteurs entre des catégories d'espaces et des catégories algébriques. Ici à chaque variété on associe une collection d'espaces vectoriels et toute application entre variétés induit des applications linéaires entre ces espaces vectoriels, de façon compatible avec la composition. En particulier deux variétés difféomorphes ont des espaces de de Rham isomorphes.

Dans l'exemple de la cascade (c'est-à-dire du plan troué), on voit que le cœur de l'affaire se joue déjà le long de n'importe quel cercle entourant le trou. C'est le signe d'une propriété très importante de la cohomologie de de Rham, partagée par de nombreux autres foncteurs de la topologie algébrique : elle est invariante par homotopie. C'est à la fois une force car cela donne l'espoir de la calculer et une faiblesse car cela l'empêche de distinguer des variétés trop semblables.

  1. Le début dans les études proposées à l'X, on peut aussi commencer la topologie algébrique par d'autres portes