Dans [Dodziuk1], J. Dodziuk montre que la cohomologie L2 du revêtement universel est un invariant homotopique des variétés compactes. Ce résultat a été étendu à Lp, p différent de 2, par V. Gol'dshtein, V. Kuz'minov et I. Shvedov, [GKS]. On est conduit à se demander si la cohomologie Lp ne dépendrait pas seulement du groupe fondamental. C'est vrai en degré un, [Pansu], pas exactement en degré supérieur (la formule de Künneth et la suite de Mayer-Vietoris, valables en cohomologie Lp, montrent les limites de ce que l'on peut attendre comme invariance). Pourtant, il y a une cohomologie Lp simpliciale pour tout groupe G dont le K(G,1) est fini en chaque dimension, et d'après [Dodziuk1], celle-ci ne dépend que du groupe.
Suivant une voie indiquée par M. Gromov, [Gromov], nous plaçons cette question dans un contexte plus vaste : le groupe fondamental de V est un espace métrique discret, quasiisométrique au revêtement universel V. Peut-on parler de cohomologie pour un espace métrique, et montrer son invariance sous quasiisométrie ? Nous nous proposons
Définissons un complexe simplicial Xt dont les sommets sont les points de M, et les k-simplexes les k+1-uplet de points de M de diamètre strictement inférieur à t.
On a une mesure sur l'espace des k-simplexes S:
dS=dx0... dxk.
On appelle complexe d'Alexander-Spanier de taille t sur M le complexe des cochaînes simpliciales réelles de Xt.
On définit la norme Lp d'une k-cochaîne :
| c |pp=\int { k+1-uplets S de diamètre
<t} | c(S)|p dS.
La restriction des cochaînes de taille t' aux simplexes de diamètre t<t' induit un opérateur borné
LpASt'k(M)-> LpAStk(M)
LpASlimk(M)=lim<- LpAStk(M)
Soit G un groupe discret de type fini. Chaque choix d'un système générateur fini de G détermine une distance invariante à gauche dS sur G. On utilise, pour définir les normes Lp, la mesure de comptage évidente.
LpH*(G):=LpHlim*(G,dS).
La cohomologie Loo asymptotique est par construction même un invariant de quasiisométrie. Pour p fini, p>= 1, c'est vrai moyennant une hypothèse sur la mesure dx.
Il reste à relier LpH*(G) à la cohomologie Lp du revêtement universel d'une variété ou d'un complexe simplicial dont G est le groupe fondamental. Il y a une application tautologique LpH*-> H* de la cohomologie Lp vers la cohomologie ordinaire ; on appelle cohomologie exacte et on note ELpH*(M) le noyau de cette application. Remarquer que la cohomologie asymptotique ne donne accès, au mieux, qu'à ce noyau. En effet, un cocycle c de taille t, restreint à la boule B(x,t) est automatiquement exact : si on pose c'(x1,...,xk)=c(x,x1,...,xk), alors c=dc'. Inversement, on peut comparer cohomologie Lp asymptotique et cohomologie Lp en degré k lorsque la cohomologie ordinaire de M s'annule en tous degrés jusqu'à k. On dit que Hk(M,R)=0 uniformément si, pour toute boule B, il existe une boule concentrique B', dont le rayon ne dépend que de celui de B, telle que la restriction Hk(B',R)-> Hk(B,R) s'annule. Par exemple, si M est un revêtement d'un espace compact, cette condition est vérifiée dès que Hk(M,R)=0.
(i) Soit G un groupe discret de présentation finie. Soit K un
complexe simplicial fini dont le groupe fondamental est G. Si Hii(K)=0
for i=2,...,k, alors la cohomologie Lp exacte du revêtement
universel K - définie simplicialement - coïncide avec
la cohomologie Lp de G jusqu'en degré k+1. En particulier,
sans conditions sur K, les espaces LpH1(K) et
ELpH2(K) ne dépendent que de G.
(ii) Soit M une variété riemannienne connexe à géométrie bornée. On suppose que, pour 0< j <= k, Hj(M,R)=0 uniformément. Alors
LpHlimk+1(M)~ ELpHk+1(M).
g°f=dB+Bd et f°g=dB'+B'd.
Lorsque p=2, la cohomologie L2 et la presque cohomologie sont directement reliées au Laplacien L2. Le théorème A se traduit par
le noyau du Laplacien sur les k+1-formes L2
exactes,
la présence d'un trou dans le spectre du Laplacien sur
dL2 (i.e. d'un intervalle ouvert ]0,l[ disjoint
du spectre),
sont des quantités ou propriétés conservées
par quasiisométrie.
La cohomologie bornée d'un groupe discret G est définie à partir des cochaînes Loo et G-invariantes du complexe simplicial complet (sans restriction de diamètre) dont les sommets sont les éléments de G, voir [GromovVBC]. Je ne sais pas s'il est invariant sous quasiisométries.
Dans la section 3, on montre que la cohomologie Lp d'une variété riemannienne à géométrie bornée peut se calculer indifféremment au moyen de formes différentielles, d'une triangulation, d'un recouvrement ouvert, ou de cochaînes d'Alexander-Spanier de petite taille. Il s'agit de contrôler des normes Lp dans le théorème de de Rham. Comme corollaire immédiat, on obtient le fait que les applications uniformément continues agissent sur la cohomologie Lp, et, par conséquent, l'invariance homotopique de la cohomologie Lp des revêtements, [Dodziuk1], [Dodziuk2], [GKS] ainsi que des invariants de Novikov-Shubin [Novikov-Shubin], prouvée dans [Efremov], [Gromov-Shubin].
Le point essentiel dans le théorème A est le fait que l'espace de cohomologie à la Alexander-Spanier LpHtk(M) est indépendant de t. Il s'agit d'étendre une petite cochaîne aux grands simplexes. Nous proposons deux procédés. Le premier, qui s'applique aux variétés d'Hadamard (i.e., simplement connexes à courbure négative ou nulle) consiste à subdiviser les simplexes. En effet, dans une variété d'Hadamard, le diamètre diminue lors d'une subdivision. C'est l'objet de la section 5. On trouve des considérations voisines dans [Hausmann], [Roe].
Sous les hypothèses plus faibles du théorème A, on doit utiliser un autre procédé. Il s'agit de montrer que le complexe simplicial Xt a même cohomologie que M. Une approximation de Xt est obtenue en considérant le nerf NT du recouvrements de M par les boules de rayon T>t centrées sur les points d'un l-réseau de M. Si NT était acyclique, on aurait immédiatement H*(M)=H*(NT). L'hypothèse du théorème A donne seulement que NT est acyclique dans NT' pour un T' ne dépendant que de T. Néanmoins, cela suffit à conclure dans la section 6.
Enfin, on a rassemblé quelques exemples dans la section 7.