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    Pierre Pansu : un géomètre des espaces hyperboliques passionné par la transmission du savoir

     

    Pierre Pansu est professeur au Laboratoire de Mathématiques d’Orsay (LMO - Univ. Paris-Saclay, CNRS) et Directeur de la Graduate School Mathématiques de l’Université Paris-Saclay. Spécialisé dans l’exploration de nouveaux espaces géométriques, il occupe aussi de nombreux postes de direction au sein desquels il s’attache à développer l’attrait pour les sciences mathématiques.

    Originaire du Jura, Pierre Pansu étudie à l’École Normale Supérieure, à Paris, et il réalise son doctorat à l’Université Paris Diderot en 1982, sous la direction de Marcel Berger, alors directeur de l’Institut des Hautes Études Scientifiques (IHÉS). Son sujet de thèse porte sur la géométrie du groupe d’Heisenberg, un espace qui diffère du cadre euclidien généralement utilisé en sciences physiques. « La géométrie que je pratique prolonge celle, non euclidienne et hyperbolique (où il existe une infinité de parallèles passant par un même point) découverte au 19ème siècle. Depuis, on a constaté que les mathématiques pures et appliquées conduisent à des questions de nature géométrique dans des espaces très variés. »  Ces travaux le conduisent au sein du CNRS où il est recruté en 1983, et passe l’habilitation à diriger des recherches (appelée thèse d’état à l’époque) en 1987. Puis il rejoint l’Université Paris-Saclay (alors Université Paris-Sud) comme professeur en 1990.

     

     
    Une géométrie à espaces variables
     

    Le chercheur est formé à la géométrie différentielle, une branche de la géométrie fortement influencée par la théorie de la relativité générale, selon laquelle l’espace-temps est courbé par la présence de matière. Il s’agit alors de parvenir à faire de la géométrie dans un monde où les rayons lumineux ou les objets ont des trajectoires non rectilignes. Puis il s’oriente vers la théorie géométrique des groupes, inaugurée par Mikhail Gromov, professeur à l’IHÉS et prix Abel 2009. Les mondes que l’on explore dans ce domaine ressemblent à des pavages (ou carrelages), pour lesquels il développe en 1999 un théorème isopérimétrique. Dans le cas le plus simple, il s’agit de comprendre la raison pour laquelle certains matériaux se présentent naturellement sous la forme de polyèdres à facettes planes. Car cette question de nature physico-chimique renvoie à un problème de géométrie. Pierre Pansu découvre que lorsque l’on coupe par un plan un matériau cristallisé, dont les atomes sont organisés de façon périodique, il croît à nouveau en privilégiant des directions où il peut retrouver son organisation. Le professeur conclut que c’est cette nature anisotrope qui engendre naturellement les facettes du matériau qu’il étudie. « Ce problème parait enfantin mais mon théorème n’y répond encore que de manière partielle. Peut-être que la solution se révèlera finalement être enfantine ! »  


    Géométrie et informatique théorique
     

    Cet objet d’étude rend aussi possible le dialogue avec l’informatique théorique, laquelle manipule des structures finies, comme des tableaux ou des programmes. « Ce nouvel espace, qui crée des ponts entre nos deux mondes, est encore peu investi en France. Mon domaine intéresse donc des chercheurs et chercheuses situés aux États-Unis, en Inde ou encore en Israël. » En identifiant les propriétés géométriques de modèles informatiques, il devient ainsi possible d’imaginer de nouveaux algorithmes et de comprendre les limites des algorithmes existants. « Ces travaux sont de longue haleine, mais je suis convaincu qu’ils préparent la voie aux succès de l’informatique théorique du 21ème siècle. »

     

    La direction du LMO
     

    En 1998 Pierre Pansu est nommé directeur du Laboratoire de mathématiques d’Orsay nouvellement créé, et a pour mission de fusionner en une entité unique les cinq unités de recherche du CNRS dont il est composé jusqu’alors. L’objectif de ce regroupement est de donner plus de visibilité aux mathématiques au sein de l’université, de peser sur ses décisions, et de mutualiser les équipements et les personnels. « Nous avons aujourd’hui atteint une masse critique comparable à celle des grands laboratoires de physique ou de biologie du campus. » Le professeur tente d’y développer la transdisciplinarité, en créant des liens avec la biologie.

     

    La direction de l’école doctorale de mathématiques de la région Paris-Sud
     

    Pierre Pansu prend la direction de l’école doctorale de mathématiques de la région Paris-Sud (aujourd’hui incorporée à l’École doctorale de mathématiques Hadamard) en 2005. Cela lui donne l’occasion d’analyser les tendances d’orientation des étudiants et étudiantes, pour ajuster la stratégie de l’établissement. Il observe en effet que la majorité se destinent à des carrières académiques : « à cette époque il y avait beaucoup de postes et de renouvellements dans les laboratoires de mathématiques et l’école a irrigué la France entière. » Mais aussi, que peu se dirigent vers l’industrie, « sauf au moment de la bulle spéculative de l’internet au début des années 2000, lorsque de nombreux doctorants et doctorantes ont été recrutés dans des officines financières puis par les GAFA, parfois à des postes de très haute responsabilité. »

     

    La direction des études à l'École Normale Supérieure à Paris
     

    En 2009, le professeur prend la direction des études de mathématiques à l'École Normale Supérieure à Paris, où il pilote les formations, les programmes et les contenus d’enseignement. Il a, entre autres, à cœur de favoriser la pratique du mentorat afin que les étudiants et étudiantes choisissent les orientations les plus adaptées à leur profil et les thématiques les plus prometteuses. « Cette approche est très efficace pour tirer le meilleur de ces jeunes qui façonneront les mathématiques en France. »

     

    La vice-présidence de la Société Mathématique de France
     

    Fort d'une longue pratique de la médiation en mathématiques, le professeur est élu vice-président de la Société Mathématique de France en 2011, où il est chargé des actions en direction du grand public. Il s’agit de promouvoir des actions au cours desquelles des mathématiciens et mathématiciennes transmettent leur passion auprès du grand public. « J’étais heureux de prendre mon bâton de pèlerin et de faire le tour de la France pour animer un grand réseau de correspondants régionaux. » Il multiplie les contacts avec les associations actives sur le terrain, et notamment l’Association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public, et témoigne ainsi de la reconnaissance que le monde universitaire porte aux professeurs de mathématiques. « J’ai rencontré des enseignants et enseignantes qui font des choses absolument remarquables dans leurs classes. Leur travail est très difficile et nous souhaitons les encourager dans leur mission. »

     

    La direction de la Fondation Mathématique Jacques Hadamard
     

    Puis le professeur prend la direction de la Fondation Mathématique Jacques Hadamard en 2015. Elle est issue de la volonté du gouvernement Fillon en 2010 de s’appuyer sur l’excellence des sciences mathématiques sur le plateau afin de préparer la création de l’Université Paris-Saclay. « J’ai repris le flambeau de mes prédécesseurs qui avaient fusionné tous les masters de mathématiques du campus en une seule mention, ainsi que toutes les écoles doctorales. » Il lance notamment le soutien aux actions de médiation et de diffusion de la culture scientifique sur le territoire, et met en place un programme de mobilité internationale pour les doctorants.

     

    La direction de la Graduate School Mathématiques

     

    En 2020, Pierre Pansu devient directeur de la Graduate School Mathématiques, qui compte douze laboratoires, et une communauté scientifique d’environ 700 personnes. Il a notamment pour ambition de maintenir le niveau d’excellence de la discipline, de faciliter l’insertion des jeunes docteurs, d’améliorer la qualité de l’accueil des étudiants et étudiantes internationaux, d’attirer dans la filière de nouveaux talents, notamment plus de femmes, et de les encourager à y poursuivre une carrière. Mais il souhaite aussi renforcer le système de mentorat qui fait tant ses preuves à l’ÉNS et à la Fondation Mathématique Jacques Hadamard. « L’atout principal de la graduate school est la qualité de ses étudiants et étudiantes, et je compte, grâce à toute notre équipe, la convertir en attractivité pour nos postes d’enseignants-chercheurs. »

     

    Pour en savoir plus sur les recherches de Pierre Pansu en géométrie non-euclidienne, lisez son article intitulé Explorer les propriétés de mondes géométriques éloignés.